1 △ QUI ETIEZ-VOUS AVANT D'ARRIVER A OJAI?
Aucune main ne tremblait. Chaque mouvement était minutieusement contrôlé et réfléchi pour éviter une catastrophe nationale. La pointe de sa langue dépassait légèrement de ses lèvres pincées. La concentration, il n’y avait que ça pour réussir. Lentement, du bout de son pouce et son index, il plaça la pièce cartonnée qui s’emboita parfaitement dans l’emplacement qu’il venait de lui tailler. Tout était monté avec une précision étonnante pourtant les sourcils froncés d’Ephraïm trahissaient son insatisfaction. Au loin résonnait une musique étouffée qui laissait deviner qu’Aerith était encore en train de répéter dans sa chambre. La maison était immense et truffée de recoins insonorisés pourquoi choisissait-il toujours la pièce qui jouxtait la sienne ? Tentant de ne pas perdre le fil, le jeune homme qui venait tout juste d’atteindre sa majorité se jeta à plat ventre sur le sol pour reprendre le croquis là où il l’avait laissé. « Ca va pas, ça va jamais. » Murmurait-il pour lui-même tandis qu’il tentait d’arranger les plans d’une structure qu’il estimait trop juste. Papa, maman avaient enfin consenti à lui payer cette école d’architecte hors de prix à condition qu’il réussissait ses examens secondaires et qu’Aerith en fasse de même. L’égalité avait toujours été de mise mais plus que jamais l’ainé des Hopkins cherchait toujours à être meilleur, quitte à en devenir moins bon… L’école était très sélective et avait exigé un test de passage qui aiderait à déterminer les potentiels les plus prospères du futur. Des semaines entières qu’il travaillait sur ce projet et même si sa mère trouvait toujours ça ‘très bien’, il doutait de sa sincérité. En fait, il ne vivait que pour ça : créer, façonner, conceptualiser, dessiner. Il n’était ni un artiste, ni un intellectuel, juste un garçon qui grandissait avec des fourmis dans les doigts. Il avait même réparé les chaussures de danse de son frère et résolu la panne de l’immense voiture familiale. D’un geste rageur, il gribouilla tous les croquis qui explosaient à son visage comme médiocrités puis laissa lourdement tomber sa tête sur le papier. Un long soupir digne d’un adolescent s’échappa de sa bouche avant que ses yeux clairs ne se lèvent vers la maquette quasiment terminée qui trônait au milieu de sa chambre. Au même moment, la musique de l'autre côté du mur retentit de nouveau. Avec un faible sourire taquin, il saisit l'oreiller le plus proche de lui et le lança contre le mur. « Aerith, ça suffit les entrechats ! »

2 △ COMMENT ÊTES-VOUS ARRIVÉ A OJAI?
« On est à...à Ojai, mon chéri. » Ojai, quel nom franchement ringard quand on venait de passer quelques jours dans la métropole fascinante de Los Angeles. La famille Hopkins avait décidé de faire une pause dans ce rythme de vie effrénée pour prendre le temps de se retrouver durant un séjour à l’opposé des Etats-Unis. Aerith n’avait pas montré mécontentement, Ephraïm lui était plutôt excité à l’idée de sortir enfin de ce Rhode Island frustrant mais il n’avait surtout pas daigné montrer son soulagement. Ainsi ils étaient tous les deux à l’arrière de la voiture, l’un écoutant sa musique, l’autre travaillant une matière élastique et bleue entre ses doigts. Leur mère était fatiguée du voyage, leur père survolté. A ces derniers souvenirs, ça remontait à une éternité depuis qu’il avaient vu leurs géniteurs détendus et peut-être même affectifs l’un envers l’autre et eux envers leurs jumeaux. Ephraïm arqua un sourcil dubitatif en direction de son frère lorsque celui-ci se fut voir appelé ‘mon chéri’ puis vaqua à ses occupations. La route allait encore être longue sur le retour cette fois-ci et déjà, il sentait l’ennui guetter ses épaules frêles. Mais le destin se mit en travers de leur route, subtilement réincarné en une vieille dame qui interpela la voiture. Le véhicule freina d’un coup, manquant de percuter la dame âgée qui ne semblait pas troublée pour un sou. « Mes petits chéris, pourriez-vous raccompagner une mamie chez elle avec ces courses ? » Ephraïm pencha sa tête entre les deux sièges avant pour avertir ses parents qu’il ne comptait pas aller l’aider mais bientôt il fut emporté ainsi que son jumeau. L’habitante d’Ojai semblait avoir faire le pleins de provisions comme pour passer un hiver recluse dans sa maison mais pour remercier la famille, elle les invita à dîner. Hopkins père était enthousiaste de passer un peu de temps chez l’habitant, lui qui n’avait connu que banlieue chic. Et lorsqu’enfin il décida que la route devait reprendre, Ephraïm se précipita vers la voiture tout en saluant la vieille d’une main distraite. Pas de démarrage, pas un son, rien. L’ainé eut beau mettre les mains dans le moteur comme il croyait s’y connaitre mais cette panne lui résista maintenant et à jamais. « Bon, on fait quoi maintenant ? » « On marche, on sort de ce patelin. »

3 △ COMMENT RESUMERIEZ-VOUS VOTRE VIE MAINTENANT ?
On marche, on marche encore mais jamais on ne sort. Ephraïm détestait Ojai, il déteste et détestera Ojai à jamais. Il marchait depuis plus d’un quart d’heure vers le lieu de rendez-vous, une énorme caisse à outils rouge dans la main. Le village avait beau ne pas être des plus étendus, aller d’un bout à l’autre surtout quand aucun véhicule ne circulait ici était d’une corvée épuisante. C’était pourtant ce qu’il faisait tous les jours. De futur architecte de renommée responsable de plusieurs chantiers prestigieux, Ephraïm était devenu le dépanneur qu’on appelait chaque fois qu’un pépin survenait. Il ne griffonnait pas les plans d’un établissement mais les honoraires qu’on lui devait. Il ne posait pas la première pierre de l’édifice en guise de symbole mais mettait les mains dans les machines en panne ou les serrures bloquées. Il ne construisait plus rien de son esprit imaginatif mais il se contentait de répéter chaque jour les mêmes manœuvres ennuyeuses. Oh qu’il haïssait Ojai et sa foutue malédiction. Il n’était pas très croyant malgré la piété de sa mère mais c’était clair : il était maudit d’être arrivé là. Ses parents étaient morts il y a de ça quelques années lorsqu’un jeune couple s’était perdu après le panneau de bienvenue. A l’inverse, d’autres personnes avaient péri quand les Hopkins avaient débarqué. C’était un cercle vicieux, une spirale infernale dont Ephraïm rêvait de démonter les rouages. Après une brève sonnerie, une vieille dame lui ouvrait la porte : « Oh vous voilà Ephrène. » Ces personnes séniles n’étaient même pas capables de prononcer son prénom correctement. Malgré tout, il afficha un sourire avenant. « Tu connais le chemin jeune homme, je crois que tu as bientôt fini la clôture ? Tu trouveras ta paie dans la cuisine. » Puis elle retourna à son rocking chair avec son chat tandis que le trentenaire réfrénait l’envie de lui planter un tournevis dans le dos. Il hocha la tête docilement puis traversa la maison pour atteindre le jardin. Un coup d’œil à droite, puis à gauche. Déjà une semaine qu’il venait ici pour refaire la clôture et une semaine qu’il connaissait les moindres recoins intéressants. Il lui avait déjà dérobé plusieurs bijoux et bien plus d’argent qu’il n’aurait du. Mais elle n’y voyait que du feu et était si aveuglée par la politesse d’Ephraïm et l’aura de confiance qu’il inspirait. S’arrêtant près d’une commode en bois verni, il n’eut pas de mal à en forcer la serrure comme il l’avait jadis fait. A ce moment-là, le vieux chat de la dame décida qu’il était l’heure des câlins et se frotta de tout son long le long de la jambe de l’homme en miaulant de plaisir. Grimaçant, il donna un léger coup de genou pour l’écarter. « Misty aime les hommes bons, Ephrade, elle ne se trompe jamais ! » « Oui madame, une créature bien perspicace... » Répondit-il d’une voix mielleuse tandis qu’il repoussait le chat de ses deux mains. Se relevant, il se dirigea finalement vers le lieu de son labeur et tandis qu’il ouvrait sa caisse, ce fut une bague qu’il glissa à l’intérieur. « Ojai tu paieras. »

hors jeu

↝ prénom(s) Sonia,je vais vous épargner les suivants ! ↝ pseudo Dandan. ↝ âge 21 ans dans un petit mois, je me fais vieille je crois ↝ où avez-vous connu le forum Bazzart mon ami ! ↝ fréquence de connexion par semaine je passe tous les jours. Etant en Erasmus avec un mémoire à écrire pour dans 4 mois, je ne répondrai pas tous les jours. ↝ commentaire ? questions ? est-ce que vous l'avez fait exprès parce que j'adore les smileys rangés par couleur ou bien c'est le karma ?