Je crois qu'il était inutile de dire à quel point, l'adolescence c'est l'âge con. En tout cas pour moi ça l'était. J'aimais mieux avant, quand j'étais dans mon coin, seul, à ne parler à personne, pour cacher cet honteux secret qui, au final me faisait du mal. Les mauvaises langues pourraient dire que c'était de ma faute, que j'avais qu'à mieux écouter à l'école. Mais j'étais comme ça, je ne savais ni lire ni écrire, je m'en fichais pas mal des autres et de leur pensée et en ce moment même, j'étais en train d'essayer d'en faire baver à mon frère en faisant toutes les conneries possibles et inimaginables. Je voulais peut être m'affirmer un peu plus dans ce monde, mais j'avais peur de la malédiction, donc ça me tenait très loin de tout le monde. La connerie que j'essayais en ce moment, c'était de fumer, car j'avais trouvé une cigarette en revenant du port, je m'étais cramé les doigts en essayant de l'allumer et pour finir, je n'arrêtais pas de tousser, parce qu'au final, c'était pas bon du tout.

Je revenais bredouille de ma pêche quotidienne mais pour une fois, ça ne me dérangeait pas plus que ça. Ne pas savoir lire ni écrire n'était pas non plus symbole de la stupidité absolue et je me rendais bien compte que c'était mal ce que je faisais. Mais c'est qui me motivait à le faire, y 'en avait marre du petit Lucius, tout calme, qui restait dans son coin à ne rien dire. Certes, je n'allais pas parler plus que ça, mais au moins, je m'amusais enfin dans cette ville ou si on faisait le moindre truc allant contre leurs règles, on mourrait. J'avais peur de mourir, j'avais peur de tout perdre. Bref, je n'étais qu'un trouillard.

« Look at the devil in front of you » - ouvert à tous

Tu marchais, essayant vainement de tenir sur le bord du trottoir, comme les enfants. Tu faisait de grands moulinets avec les bras, tentant de garder un équilibre précaire, mais tu finis par sauter, lassée. Tu avais plus d'équilibre sur une planche de surf que sur un trottoir, où est la normalité dans tout ça. Tu levais la tête, regardant le soleil qui tapait sur tes épaules. Midi. C'était l'heure de tes médocs, si seulement tu les avais. Tu regardais les nuages, cherchant une forme quelconque dans les nuages mousseux.

Au bout d'une demi heure à te balader dans cette rue déserte, tu parvins à la conclusion que tu te faisais chier. Il n'y avait pas d'autre mots. Depuis ton arrivée ici, tu dépérissais. Loin de tout, de tes repères, de ta famille, de ta vie. Tu ne savais plus quoi pour occuper tes journées, à part respirer, boire, manger, souffrir, te baigner et manger des cacahouètes. Trottinant en direction de la plage, tu passas ta tête derrière un arbre et aperçut Solal Lucius, la moue dépitée, une clope au bec. Souriante comme toujours, tu t'approchais d'un air vif."Salut." Ne le laissant pas dire un mot, tu lui sortit la cigarette même pas allumée de la main "Qu'est ce que tu fabriques avec ça encore, c'est pas bon cette merde." langage de charretier, il aurait pu te reconnaitre les yeux fermés. "Tu vas bien ?" Question basique, fondement de toute conversation selon Lou Rhegan, première du nom.

" Sympathy for the Devil "

Toujours très professionnel au travail, Eallison savait parfaitement séparer sa vie professionnelle de sa vie personnelle, enfin seulement quand cela l'arrangeait. Son statut de policier et l'uniforme qui accompagnait cette fonction étaient un instrument non négligeable dans son passe-temps favori : la drague. Seulement, pour l'heure, ce n'était pas courir les filles qui préoccupaient le jeune homme, ce n'était pas ces demoiselles qui occupaient les pensées du trentenaire, et l'empêchaient de se focaliser sur son objet de mission pour lequel il était dans les rues de Ojai. Ce n'était rien de tout cela, mais bien Solal, son petit frère de quinze ans son cadet, enfin celui qu'on a toujours fait passer comme étant son petit frère. Eallison, s'en est toujours occupé plus que ses parents, il l'aime et à une forte tendance à le surprotéger depuis que le garçon était né, il y avait une raison à cela, et seuls le policier et son paternel la connaissait. Et, en ce moment, bien plus qu'à l'accoutumée, Eal' était particulièrement inquiet pour le jeune pêcheur, il le sentait déraper sur une mauvaise pente et ça lui faisait mal de le voir ainsi. Bien sûr, il était en plein dans cette difficile période qu'est l'adolescence, il était en plein dans sa période rebelle. Mais, est-ce si anormal de voir un père se soucier de son fils ?

Eallison patrouillait, l'esprit embrumé de questions concernant Solal. Il le voyait partir un peu en vrille, avait peur pour son avenir et ne savait plus comment lui parler. Il avait surtout peur de ce secret qu'il gardait en lui depuis quinze ans et qu'il avait eu si souvent de le dévoiler à son Solal. Mais comme il avait convenu avec ses parents à l'époque, il s'était tu, et il se taisait toujours, redoutant le jour où le garçon finirait par l'apprendre d'une autre manière, car le policier était presque sûr qu'un jour son frère... son fils, apprendre la vérité. Tout à ses réflexions, ses pas l'amenèrent jusqu'à la plage et il vit au loin la silhouette de celui qui hantait ses pensées et une jeune femme bien plus jeune que lui, mais qu'il trouvait fort à son goût et qu'il convoitait depuis quelque temps. Lou Reaghan lui résistait, et c'est ce qui plaisait à Eallison, le jeu en était plus attrayant, et la récompense n'en serait que plus belle, la satisfaction que plus grande, quand enfin elle cèdera. « Bien le bonjour ! » Les mains dans les poches, son éternel grand sourire de séducteur, il s'approchait d'eux à grands pas. Il se positionna juste à côté de la demoiselle, face à Solal et passa un bras autour des épaules de la jeune fille. Il fut tenté de lui prendre la cigarette qu'elle tenait, mais ne voulant pas se griller sa chance avec elle, il fit mine de ne rien avoir vu, ignorant totalement qu'en réalité, cette cigarette se trouvait entre les lèvres de son frère. « Solal, pourquoi tu n'es pas en cours ? En ce moment tu sèches un peu trop souvent à mon goût ! » Son regard s'assombrit et sa voix se fit plus grave. Il prenait les études et l'avenir du jeune homme très qu sérieux, peut-être trop au sérieux.

Et voilà que tout d'abord, il y avait Lou qui m'avait grillé en beauté et comme la malchance n'arrivait jamais deux fois, voilà qu'il y avait mon frère qui nous avait rejoint. J'hésitais entre les laisser tous les deux sans rien dire, dire que je m'en foutais de l'école parce que de toute façon, j'y foutais rien vu que je ne savais pas lire ou bien jouer encore plus à l'arrogant devant mon frère. Bref, tout ça était bien compliqué pour moi. Non, ce n'était pas de la rage qui montait en moi, mais bien plutôt de la colère. Déjà parce que je détestais qu'on me dise ce que je devais faire ou ne pas faire, et aussi parce qu'on soulignait le fait que je devais être juste comme les autres. Et il était hors de question que je sois comme les autres. Bref, je répondis tout d'abord à Lou en grognant :

"Je fous ce que je veux, t'a rien à dire..."

Ok, on aurait dit un abruti de première mais tant pis. Ni bonjour, ni rien, allez tous vous faire voir! Oui, la colère remontait car l'école était un sujet sensible, j'étais considéré comme nul parce que personne ne savait que je n'arrivais pas à lire ni à écrire, je trouvais toujours une excuse pour ne pas écrire. Alors, je grondais à l'attention d'Eal:

Rien à faire! j'ai pas ma place à l'école, c'est nul!

Là on aurait dit un gamin de six ans qui parlait. Mais ce secret me pesait trop, et même s'il y avait Lou, tant pis. Je regardais le sol avant de dire :

Et tu veux savoir pourquoi? Parce que je n'arrive pas à lire deux mots ni même à écrire! "

Et soudain, pris de honte, je tournais les talons et je partis en direction de mon refuge favori, le port.

Le pauvre gamin, il était déjà en colère. En même temps, tu étais arrivée un grand sourire, et lui étai de (très mauvais humeur). Tu aras pu faire une tête intelligente et lui dire que oui certes, tu n'avais rien à dire mais que tu le disais quand même. La crise d'adolescence, tu étais passée dedans, et parfois, tu voyais ta mère entrain de soupirer si tu en étais vraiment sortie. Mais ça c'était avant (enfile les lunettes). Et il avait pas de chance, tu étais bien tout sauf susceptible et super tenace.
"Qu'est ce qu'il y a encore Monsieur le raleur." Accentuation exagérée sur Le O de Monsieur, évidemment. "C'est pas avec les dents jaunes et une haleine de chacal que du va pécho de la donzelle ou du damoiseau gamin." Grand sourire, hésitation. Tu ne savais pas si il allait partir en courant ou juste te tabasser, ça aurait suffit.

Cinq minutes plus tard, c'est Eal que voilà, alias le-frère-ou-le-père-(on ne saura jamais)-plutôt-pas-mal-foutu de Solal (en un seul mot). Toujours aussi souriant, il s'installa, pas géné. De ta part, s'ensuivit un sourire oscillant entre "pas devant le gosse""Il arrêtera jamais." et "Il va me lâcher les baskets le dragueur à deux balles ?"

Solal commençait vraiment à piquer une crise. Tu n’osais pas caser un seul mot, Madame j'ai eu 14 de moyenne et 500 heures de colles dans toute ma scolarité. Mais le gamin ne voyait plus ce qui était important, tu ne voulais pas le retrouver avec neuf piercings et un T-shirt avec la tête de Kurt Cobain dessus (comme le tien qui était resté chez toi), il valant mieux que ça. Les joues brulantes, il s'enfuit vers le port, pendant que tu comprenais ce qu'il venait de dire. Comment ça il ne savait ni lire ni écrire. Tu soulevais le bras d'Eal' qui se leva en même temps que toi, pour tenter de suivre Solal qui voulait juste qu'on le laisse tranquille. Et bien il ne fallait pas te rencontrer.
"Hé... Solal, il n'est jamais trop tard pour apprendre." Sortez les violons.

" Sympathy for the Devil "

La réaction de Lou amusa le policier. Il savait parfaitement qu'elle le repoussait, mais à sa manière de la faire à chaque fois, il savait également qu'elle ne disait pas non, ce non qui vous fait abandonner l'idée et c'est précisément pour cela qu'il continuait encore et toujours. Un jour... il l'aurait.

La présence de Solal sur cette plage au lieu d'être à l'école, avait fait réagir Eallison, plutôt que de poursuivre ses avances, et puis draguer devant son frère, il s'abstenait la plupart du temps. D'autant que la réponse du gamin le laissa sans voix. Il allait répliquer, il n'en eut pas le temps, son cadet prit la fuite, en colère. Il n'y avait pas à réfléchir, il ne pouvait le laisser s'en aller comme ça et se mit à sa poursuite, suivit de la demoiselle. En quelques enjambées, Eal' était revenu à la hauteur du pêcheur, lui agrippa le bras pour l'obliger à arrêter ses pas, son regard n'était pas en colère, mais plus tôt étonné, avant de parler, c'est Lou qui dit une phrase qu'il acquiesça d'un hochement de tête. « Attends So', pourquoi tu n'en as jamais parlé, j'aurais pu t'aider ? » Il n'y avait pas l'ombre d'un reproche, bien que ce ton fut un peu sec. Eallison n'avait pas pour habitude de laisser transparaitre de trop ses émotions et spécialement lorsqu'il s'agissait de Solal, il avait trop peur qu'on ne s'aperçoive qu'il aimait bien plus que comme un frère, mais comme un fils. Enfin, si, il y avait du reproche dans sa phrase, mais envers lui-même. Comment n'avait-il pu ne pas s'en rendre compte plus tôt ?

Je les regardais l'un comme l'autre sans répondre, j'avais lancé ça, comme une bombe qu'on amorçait. Je m'en fichais bien des conséquences, au moins, je n'avais plus ce poids sur la conscience. Mais il était hors de question que je dise quoi que ce soit, alors je restais silencieux. A tout jamais, je n'allais plus parler, déjà que je parlais peu. Un sentiment de honte me prenait et j'avais juste envie de me cacher. J'avais vraiment honte. Je les regardais, je les fixais même avant de faire demi tour et de partir me réfugier contre un arbre. Personne ne pouvait ressentir ce que je ressentais maintenant, et pourquoi surtout, je m'étais réfugié vers la mer depuis autant de temps. Je restais assis, regardant le sol, aucune larme n'était venue se réfugier le long de mes joues.

J'étais tristement désespérant de voir que j'étais comme ça. Il y avait comme un vent d'anormalité autour de moi. Eallison devait avoir honte pour moi, pour lui d'avoir un frère pareil. je soupirais. Puis je décidais de revenir vers eux, sûr de moi. L'un comme les autres, je les fusillais du regard. La colère prenait place. La honte et la colère ne faisait pas bon ménage et encore moins maintenant. J'avais décidé de rester muet mais la colère me fit dire :

Ca y est vous êtes contents? Ecoutez bien le son de ma voix car vous n'êtes pas prêts de l'entendre de nouveau!

Et je me retournais, non je ne boudais pas mais la honte reprenait sa place. La colère repartait et venait, mais je n'y pouvais vraiment rien.