Voilà plus de 4 ans que tu es coincé ici. Passer ton temps à tourner en rond comme un lion en cage, à chercher les failles des barreaux invisibles qui vous retiennent tous prisonniers, à ne jamais baisser les bras. Trop de temps perdu alors que tu aurais pu faire quelque chose de grandiose dans le monde extérieur. Un temps que tu n'as pas cherché à compter. Si tu sais que ça fait plus de 4 ans mais moins de 5 ans, c'est parce que 4 de tes anniversaires ont été "fêtés". Des fois, tu te demandes comment ceux que tu connaissais vivent désormais. Tu te dis que ta mère avec qui tu vivais seul, un peu dépressive et alcoolique a dû sombrer dans la drogue, si elle n'est pas déjà morte. C'est malheureux, mais tu n'y peux rien. Alors tu te réconfortes en te disant que tes amis ont dû te signaler comme personne disparue, doivent remuer ciel et terre pour te retrouver. Puis tu tombes face à la dure réalité : ta mère te haïssait au plus haut point, et tes amis ont sûrement déjà fait leur deuil et sont passés à autre chose. La vie est cruelle. Mais c'est comme ça. Alors tu essayes certaines fois de te résoudre à ton sort comme le font certains, en essayant de vivre avec, mais ça t'est finalement totalement impossible. Tu n'y arrives pas, tu ne peux pas baisser les bras, cela te semble même impensable. Pour toute consolation, tu te retrouves à passer du temps avec ces quelques personnes ici avec lesquelles tu t'entends bien. Les rares personnes qui ont réussi à gagner un minimum ta confiance. Ces quelques uns auxquels tu as commencé à t'attacher bien que tu t'en sois promis le contraire. Promis de ne pas trop t'attacher, promis de faire en sorte de n'appartenir à personne. Tout ça dans le but de garder un minimum ta liberté, dans le but de ne pas trop souffrir quand tu quitteras cet endroit. Mais tu ne peux pas t'en empêcher. Tu tentes de te voiler la face. Mais au fond de toi, tu sais que tu aimes passer du temps avec eux. Tu aimes les voir, rigoler, t'amuser. À commencer par Lou-Änn. Peut-être as-tu commencé à un peu trop t'attacher à elle, peut-être s'est-elle aussi trop attachée à toi. Pourtant tu refuses de te l'avouer. Tu refuses d'ouvrir les yeux sur la vérité. Tu n'y prêtes plus cas, ou du moins, le moins possible. Tu fais semblant de ne pas avoir remarqué qu'elle s'éloigne de toi sans raisons apparentes, tu fais semblant de n'en avoir rien à faire, tu tentes de t'en convaincre, et c'est que ça marcherait presque. Mais ta technique n'est pas tout à fait au point. Elle commence à te manquer, quand même. À moins que ce ne soit sa chair contre la tienne qui ne te manque. Enfin ça, c'est ce que tu dis. Mais c'est elle toute entière qui te manque. Lou-Änn Henton. De la tête aux pieds. De l'intérieur à l'extérieur. Pas juste sa nudité, sa présence. Pas juste ses lèvres, ses paroles. Ta solution : la voir. De toute façon, il n'y en a pas trente-six mille des solutions. Et heureusement pour toi, elle ne t'as pas rejeté. Oui, heureusement. Débarqué devant chez elle, tu entrerais bien sans frapper pour la surprendre. Le problème, c'est qu'elle ne vit pas seule (personne ne vit seul ici d'ailleurs), et c'en est d'autres que tu risquerais de surprendre, et on ne sait jamais comment ils pourraient se trouver ou avec qui, alors tu préfères éviter. Les cauchemars, c'est pas ton truc. Donc tu te contentes d'attendre sur le pas de la porte bien sagement après avoir frappé. La porte s'ouvre sur Lou, et la première chose qui te vient à l'esprit et qui te démange presque les lèvres est "t'as pas pris du poids Lou ?", mais tu te retiens. Non, vaut mieux éviter, tu ne veux pas te faire égorger sur place. N'empêche que.. non, ça doit être parce que tu l'as pas vue depuis longtemps. "T'as l'air en forme !" Hm, ça c'est de l'approche. Enfin ça reste mieux que 't'as grossi'. Tu t'approches, l'embrasse sur la joue et pose ta main sur ses hanches. Bon et sinon, vous faites quoi maintenant ?

Ta vie d’avant te manque. La vie où tu étais dans l’ignorance. Celle où tu n’avais pas peur de trop aimer quelqu’un. De trop t’attacher. Celle où tu croyais bêtement à la légende, sans te poser aucune question. Celle où personne ne pouvait venir d’un moment à un autre, et te demander de tuer de pauvres innocents. Oui, tout ça te manque. Cette vie te manque. Maintenant, tu ne crois plus en rien, et encore moins en l’humanité. Maintenant, tu ne vis plus que dans la peur et dans l’angoisse qu’on te demande d’aller assassiner tes propres voisins, amis, ou amants. Toi, t’aimerais seulement qu’on te laisse tranquille. Tu veux juste fuir et partir loin, très loin. Mais c’est impossible. Alors tu dois faire avec. Tu dois juste obéir aux ordres, et faire comme si de rien était. Pourtant, tu meurs d’envie de tout dire à quelqu’un. Echo, ou bien même Seth. Mais tu ne peux même plus regarder Echo en face depuis que tu as tué ses parents. Et s’il était au courant… Il ne voudrait plus jamais te voir, c’est tellement évident. Et puis Seth… oh, Seth. Il aurait tellement honte de toi. Il serait tout simplement déçu et dégoûté, t’en es certaine. Au final, si tu l’ouvres, tu risques leurs vies, la tienne, ainsi que l’image qu’ils ont de toi. Toutes ces choses en mis en jeu ont fait que ça fait désormais quelques temps que tu te tais. Et que tu t’éloignes de ces deux personnes qui étaient –et sont encore- indispensables pour toi et ton bonheur. Tu prends tes distances avec l’un parce que tu as beaucoup trop honte de toi pour lui adresser à nouveau la parole. Et tu restes le plus possible loin de l’autre dans l’espoir de le protéger, en quelque sorte. De te protéger toi aussi, si on veut. Te protéger de ces sentiments que tu lui portes. De ton cœur qui bat plus vite quand tu le vois. Tu es beaucoup trop attaché à lui, alors que tu pourrai être obligé de le tuer à n’importe quel moment. Et ça, t’en serai incapable. Alors tu fais tout pour le tenir loin de toi. Tout pour paraître froide et désintéressée. Malheureusement tu n’y arrives pas toujours –pour ne pas dire jamais- et tu ne peux pas t’empêcher de le voir.
Tu es assise en tailleur sur ton canapé, en train de lire. Comme d’habitude, ce livre t’emmène loin, autre part. Il te fait rêver. Korey et Dorian ne sont pas là. L’un est sûrement à l’église, et l’autre au cabinet médical. Et il faut avouer que vivre sous le même toit qu’un médecin n’est pas chose aisée ces derniers temps. Tu essaies tant bien que mal de lui cacher tes nausées récurrente, ta sensibilité aux odeurs, une certaine prise de poids, ou encore ta faim de loup. Pourquoi ? Tout simplement parce que tu as tous les symptômes d’une femme enceinte. Alors si tu lui disais que tu vomissais aussi souvent que ça, il devinerait tout de suite. En plus, ça doit faire un petit bout de temps que tu n’as pas eu tes règles. Et tout le monde sait comment sont vues les femmes enceintes à Ojai. C’est pourquoi tu as décidé de garder tout ça secret. Il n’y aura pas de bébé, un point c’est tout. Lorsque ça toque à la porte, tu te précipites un peu pour aller ouvrir à Seth. Un sourire se dessine sur tes lèvres en le voyant sur le pas de la porte. « T'as l'air en forme ! » Tu lèves les yeux aux ciels, puis tu réponds. « C’est ça oui, très drôle. » avant de lui rendre son baiser sur sa joue. En fait, ses lèvres te tentent plus, mais tu ne fais rien. T’en oublie le fait que tu es censée être distante avec lui. « Entre, il n’y a personne. » Comme si ça changeait quelque chose. M’enfin. Il entre, et quand il passe à côté de toi, tu as l'occasion d'avoir une émanation de son parfum. Et là, c'est le drame. Son odeur qui pourtant t'étais si agréable te donne un haut le coeur. Bordel. Bordel de merde. « Je.. » Tu n'as pas le temps de finir ta phrase. Tu plaques une des tes mains contre ta bouche, et tu cours vers les toilettes pour aller vomir. Quelle classe, Lou. Bravo.