Sujet: oh girl, don't be so sweet △ RUBY Sam 12 Jan - 1:46
Ruby&Ephraïm
Le bruit sourd d'un marteau résonnait dans toute la maisonnée. Des coups réguliers qui stoppaient parfois pour laisser place à une réflexion intense. Ephraïm s'était mis à l’œuvre dès le matin, qu'importe si ça pouvait réveiller quelques-uns de ses colocataires – si toutefois être en colocation pouvait désigner le fait d'être obligé de vivre avec des inconnus. Aerith, le seul capable de supporter les pulsions manuelles de son frère, était sorti. Il n'y avait que lui et son projet en tête. Un clou dans la bouche, l'homme s'arrêtait parfois pour examiner ce qui se montait lentement. Il n'avait pas décroché de la journée tant il restait prostré par la concentration intense. Il n'avait pas pris la peine de vérifier si on avait eu besoin de lui, pour une fois ces incapables pouvaient bien se débrouiller attendre. Tant qu'un incendie ne se déclarait pas, le monde entier pouvait se passer de lui à commencer par la désastreuse Ojai. Ce fut finalement un besoin vital qui finit par l'interpeller aux alentours de 16 heures : la faim. Son estomac gargouillait depuis déjà plusieurs heures mais jusqu'ici il était parvenu à faire abstraction des différents fumets qui se glissaient par sa fenêtre entrouverte. Aujourd'hui c'était le jour du marché. On trouvait tout et n'importe quoi au marché, particulièrement des produits alimentaires tirés des récoltes ou des cultures. Ojai oscillait entre deux époques. Elle avait beau contenir la technologie moderne que chacun d'eux avait pu expérimenter, il n'y avait pas de réseau et en matière de diversité culinaire, on avait rapidement fait le tour. Il écarta les odeurs écœurantes de grillades, celle plutôt singulière du poisson fraîchement pêché mais il ne put omettre la douce arôme de sucre qui lui chatouillait les narines. C'était dur à admettre mais sa mère avait eu le don d'être une excellente cuisinière. Jamais elle ne se mettait aux fourneaux, elle avait préféré léguer cette corvée à une employée. Cependant, il se souvenait du temps où elle prenait encore le temps de s'occuper de sa paire de garnements. Les gâteaux encore chauds qui sortaient du four, les couleurs acidulés du glaçage, lorsqu'il enfournait les muffins dans sa bouche pour se précipiter sur ceux de son frère. Ephraïm laissa tomber son marteau sur le sol puis bondit sur ses deux pieds. Dès lors qu'une telle nostalgie dangereuse infiltrait l'esprit d'Ephraïm, il était temps de s'arrêter vite ! Enfilant les premières chaussures qui lui passaient sous la main, il quitta le 64 Wooster Avenue pour le marché public d'Ojai.
Alors qu'il déambulait parmi les étals, le semblant de bonne humeur ambiante étourdissait son esprit comme la pire des puanteurs sur terre. A quoi bon feindre la joie et l'insouciance alors que tous s'endormaient le soir en priant pour se réveiller le lendemain. Tous s'accordaient à vivre normalement alors qu'une malédiction les menaçait à chaque instant. Dès qu'une silhouette apparaîtrait au moins, la terreur reprendrait le dessus. Et parfois il l'espérait même pour enfin obtenir l'action et l'aventure dont il manquait tant. Soudain Ephraïm parvint jusqu'à un stand minuscule dissimulé derrière une dizaine de clients. Intrigué, il s'en approcha jusqu'à entre les chuchotements et les compliments qui fusaient. « Je t'avais dit que Ruby était un prodige. » « On croirait pourtant pas à son âge... » Ah oui la fameuse vieille dont les pâtisseries étaient peut-être une des seules nouveautés qui offraient des futilités à discuter... Le dépanneur était toujours dubitatif quand il s'agissait de parler de talents à Ojai mais cette fois-ci il se laissait tenter à la douce perspective d'une poignée de cookies gratuits. Se frayant un passage parmi les badauds, esquissant des sourires forcés par-ci par-là, il finit par rencontrer le dos frêle d'une petite blonde. Celle-ci semblait occupée et s'affairait à mettre de l'ordre sur la table qui était rempli de merveilles sucrées. Un regard gourmand et comploteur rivé sur celles-ci, il finit par tapoter l'épaule de la demoiselle. « Dis quand est-ce que revient la patronne ? J'ai une bonne offre à lui faire. » Autant ne pas dévoiler ses vils intentions tout de suite. Le visage d'Ephraïm revêtit le masque de l'homme avenant et banal qui vivait sa vie à Ojai. Il se pencha sur la tablée malgré les personnes qui houspillaient derrière lui puis saisit un cupcake bleuté du bout des doigts : « Puis-je goûter ? Au fait comment tu t'appelles ? »
Ruby Gilmore
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Sujet: Re: oh girl, don't be so sweet △ RUBY Sam 12 Jan - 17:05
Plus qu’une fournée de vingt cookies et Ruby sera enfin prête pour ses ventes du jour ! Plusieurs fois dans la semaine, elle réserve une petite place au marché du village pour y vendre ses gâteaux. Cela lui permet de gagner un peu d’argent, de faire plaisir aux habitants et surtout de les voir décrocher des sourires. Car ils se font rares ici, les sourires. Pour rien au monde elle n’arrêterait de cuisiner, elle possède la chance de pouvoir rendre les habitants heureux, elle allait continuer jusqu’à ce qu’elle disparaisse à son tour de ce minuscule village. Une merveilleuse odeur embauma la cuisine lorsque la petite blonde sortit ses biscuits du four. Elle les plaça dans son grand panier en osier, veillant à ne pas abîmer les autres pâtisseries. Elle n’avait pas quitté son tablier depuis le réveil, elle avait beaucoup travaillé mais cela restait avant tout un loisir. Satisfaite de ses créations, elle recouvra ses deux gros paniers bien garnis avec des serviettes. Après avoir jeté un coup d’œil à l’horloge murale pour ne pas risquer d’être en retard, elle se dépêcha de monter dans sa chambre pour se changer. Elle détacha ses longs cheveux blonds qui accentuaient son visage d’enfant, sachant bien que les habitants se montraient ainsi bien plus généreux dans leurs achats ! Très enthousiaste, elle se munit de ses gros paniers, un autour de chaque bras, puis prit la route jusqu’au marché. Elle connaissait le chemin par cœur mais à vrai dire, même si Ruby est à Ojai depuis seulement un an et demi, c’est le village entier qu’elle connait sur le bout des doigts ! Elle a consacré bon nombre de ses journées à l’exploration de cette petite ville, parfois seule, parfois accompagnée de Lemon. Sans compter toutes les heures passées à la bibliothèque dans l’espoir de trouver une réponse à toutes ses questions dans les vieux bouquins ! C’est ainsi en quelques courtes minutes qu’elle arriva au marché, elle remarqua que la plupart des commerçants s’étaient déjà installés aux stands. Même si elle était parmi les derniers à arriver, elle ne se faisait aucun souci car le moment était parfait. L’après-midi avait déjà bien commencée et l’heure du goûter approchait, les habitants allaient sans aucun doute se ruer sur ses sucreries ! Elle salua tous les autres vendeurs qu’elle avait l’habitude de voir ici, en général ils se montraient vraiment agréables envers elle. Car il faut bien l’avouer, personne n’ose soupçonner une fillette de seize ans. Ruby est perçue comme la petite orpheline sans défense, comme si parmi tous les habitants elle était la plus malheureuse. La jeune pâtissière ne supportait plus de voir les habitants s’apitoyer sur son cas. Mais elle était bien certaine d’une chose ; ils n’achetaient pas ses gâteaux parce qu’ils avaient pitié d’elle. Non ; ses pâtisseries sont réellement excellentes !
Une fois arrivée à son petit stand, elle se pressa de sortir toutes les bonnes choses de ses paniers. À peine la première fournée de muffins sortie, des clients s’agglutinaient déjà autour de sa table. Il y avait les curieux, ceux qui n’avaient encore jamais goûté à ses délicieux gâteaux. Et elle reconnaissait les habitués, ceux qui la saluaient avec engouement et qui adoraient découvrir chaque semaine des nouvelles saveurs. Son stand aux milles couleurs attirait beaucoup, tous les passants ralentissaient pour baver devant ses merveilles. La plupart ne pouvaient résister, finissant par s’arrêter complètement pour acheter le gâteau qui leur semblait être le meilleur. Souvent ils hésitaient, Ruby leur lançait alors un « vous n’avez qu’à prendre les deux ! » d’un ton heureux, accompagné d’un large sourire. Personne ne pouvait dire non à son joli visage de poupée. Alors qu’elle s’agitait dans tous les sens pour satisfaire les demandes des clients, quelqu’un la dérangea en lui tapotant sur l’épaule. Elle se retourna vivement, tout en s’efforçant de garder un œil sur son stand. « Dis quand est-ce que revient la patronne ? J'ai une bonne offre à lui faire. » Ruby leva un sourcil traduisant son étonnement. Il existait des habitants ici qui doutaient de ses talents ?! Que pouvait donc imaginer ce monsieur ? Qu’elle était ici juste pour vendre les gâteaux d’une autre ? La petite blonde leva le menton d’un air fier et s’exclama en posant ses mains sur ses hanches, voulant paraître autoritaire. « Elle se tient juste devant vous, monsieur ! » Agacée, elle roula des yeux en esquissant un léger sourire moqueur, reprenant son activité car un client attendait. C’est alors qu’une main vint s’introduire sur son stand, s’emparant d’un cupcake coloré. Ruby fit de gros yeux ronds, cet homme ne connaissait donc pas les bonnes manières ? Elle ne pouvait pas le laisser toucher ses œuvres comme ça, elle avait passé tellement de temps à les préparer! « Puis-je goûter ? » lança t-il comme si la situation était parfaitement normale. Ruby lui adressa un sourire angélique bien forcé, prit une voix niaise et lui annonça en battant des cils, « Mais bien sûuuur voyons, pas de problème ! » Il semblait satisfait par sa réponse, alors sans attendre elle lui arracha violemment le gâteau des mains. « …contre deux dollars ! » s'exclama t-elle en fronçant les sourcils, bien décidée à ne pas se laisser avoir par cet homme. Elle reposa délicatement le cupcake sur sa nappe, s’excusant auprès des clients pour cette agitation. Mais l’inconnu ne semblait pas vouloir la lâcher. « Au fait comment tu t’appelles ? » La pâtissière soupira, mais elle s’efforça de répondre comme pour lui prouver qu’elle était bien la patronne de ce stand. « Ruby. » lâcha t-elle sans lui adresser un regard. Le dernier client récupéra son sachet dans lequel elle venait d’emballer trois pâtisseries, il la remercia comme tous les autres avant de s’éloigner. Souriante, la jeune fille rangea ses quelques pièces dans son porte-monnaie. Elle était arrivée il y a seulement une heure mais elle avait déjà vendu plus de la moitié ! Remarquant alors que l’homme attendait toujours à ses côtés, elle l’interrogea d’un ton plus calme, mais tout de même impatient. « Bon vous le voulez ce cupcake oui ou non ? » Elle glissa sa main sur le tas de sachets pour en saisir un, presque certaine que sa réponse serait positive.
Ephraïm S. Hopkins
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Sujet: Re: oh girl, don't be so sweet △ RUBY Lun 14 Jan - 2:16
Ruby&Ephraïm
Le marché public était un peu incontournable à Ojai. Il faisait partie de ces petits événements du quotidien qui réunissaient tous les habitants autour de quelques denrées alimentaires et produits plus ou moins superficiels. On se rencontrait tous, on discutait de tout et de rien. Parfois quelques rires fusaient, les éclats de voix des marchands parvenaient rarement à couvrir le brouhaha ambiant. A la vue de ce tableau, on pourrait croire que l'allégresse était chez tous et que chacun profitait du moment présent. C'était bien la raison pour laquelle il évitait en général ces rassemblements. Il y avait trop de futilités quand ils devraient tous s'interroger sur le pourquoi du comment. Pourquoi étaient-ils tous coincés entre ses limites ? Quelles sont même ses limites ? L'auteur de cette malédiction avait un beau jour décidé que ce lopin de terre appartenait à la terrible Ojai et que celui qui le jouxtait serait libéré de tout maléfice ? Ephraïm avait envie de secouer tous les corps qu'il croisait afin de les réveiller de leur torpeur. Mais qu'importe, ça n'était pas aujourd'hui qu'il allait sauver le monde. Les pâtisseries de la fameuse Ruby attirait davantage son attention et les fumets qui s'en dégageaient valaient bien l'attroupement. Il comptait bien prendre plusieurs de ses sucreries et sans les moindres frais. Après tout si elle était si bonne cuisinière cette bonne dame, ça ne lui coûterait rien d'en faire de nouveaux ? L'homme approcha alors la candide jeune fille qui aidait certainement la pâtissière à vendre ses mets tout en lui demandant quand cette dernière reviendrait. Son visage irradiait, plutôt satisfait. C'était finalement plus simple d'arnaquer la jolie blonde plutôt que la vieille farouche. La poupée se retourna et laissa Ephraïm pantois. Son joli minois était angélique et d'une naïveté attendrissante. Ses cheveux blonds tombaient en cascade sur ses épaules, légèrement emmêlés dans la précipitation. Elle lui rappelait un peu son premier amour quand lui-même avait son âge. Dieu qu'il avait été raide dingue d'elle mais elle lui avait préféré le garçon populaire du lycée... Celle-ci se présentait comme la marchande et sur le coup, il laissa échapper un ricanement : « Allons, n'espère pas m'attendrir comme ça, je sais qui a fait tout ça. »
Irrésistiblement attiré par un cupcake, il se servit avant même de demander la permission. Ses yeux verts brillaient de malice et son sourire aurait adouci la plus frigide des femmes. Il s'apprêtait à croquer dedans avec délice après qu'elle eut accepté mais aussitôt que ses lèvres allaient toucher le doux du glaçage, l'adolescente le lui arracha des mains. Elle réclamait son dû la voleuse ! Ephraïm resta la bouche ouverte un instant, vexé qu'on lui tienne tête de la sorte. Il avait hâte que la principale intéressée ne se pointe pour qu'il joue au client agacé et que cette arrogante ne soit sévèrement réprimandée. Ne s'avouant pas vaincu, il reprit son masque de sympathie puis tenta de faire connaissance. Il observait avec attention la blonde emballer soigneusement une commande puis la remettre contre quelques sous. Ruby ? Ruby ! « Ruby comme celle qui cuisine elle-même ses gâteaux ? Tu n'essaie pas de me rouler dans la farine hein ? » Ce jeu de mots foireux n'était même pas volontaire. Décidément, Ruby était pleine de surprises et sur le moment, il espérait que ce ne fut pas lui qui soit en train de se faire duper lamentablement. Les clients défilaient devant lui et elle ne s'arrêta dans sa tâche que pour lui faire comprendre que sa présence gênait si toutefois elle n'était pas pour l'achat. Sa fine main saisit ce fameux cupcake qu'il n'avait pu dévorer et sans lâcher la merveille des yeux, il finit par dire, outré : « Deux dollars ce petit bout de pain ? Tu y met quoi dedans, de l'or ? » Pendant ses déblatérations qui ne faisaient que gagner du temps, il plongea malgré tout sa main dans sa poche pour estimer l'argent qu'il avait sur lui. L'arroseur arrosé ? Il en extirpa quelques centimes qui additionnés ne donnait qu'un dollar trente. « Y'a pas une réduction pour les travailleurs acharnés ? J'ai pas pensé que les bons petits plats de la demoiselle me coûterait un bras. » Elle ne payait rien pour attendre la petite !
Ruby Gilmore
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Sujet: Re: oh girl, don't be so sweet △ RUBY Dim 20 Jan - 11:24
Alors que les habitants qui passaient devant le stand s’extasiaient face au talent indiscutable de la jeune pâtissière, l’inconnu doutait encore de son identité ! Vexée, Ruby avait préféré l’ignorer un moment, se concentrant sur ses commandes tout en gardant son large sourire sincère pour les clients polis. Mais le temps passait vite et le marché n’était plus aussi animé qu’au début. Elle observa ses gâteaux d’un air très professionnel, comme d’habitude elle en avait fait beaucoup trop, elle allait encore devoir les distribuer gratuitement. Elle comptait en apporter à la bibliothèque pour Lemon et Mackenzie, et surement à l’épicerie pour Marcia. Elle en garderait aussi pour Echo, qui raffolait de ses muffins au chocolat. Mais elle n’allait pas quitter le marché tout de suite, elle allait rester encore un peu pour en vendre le plus possible. Et d’ailleurs elle était bien décidée à faire payer ce monsieur qui pensait pouvoir se servir gratuitement ! « Deux dollars ce petit bout de pain ? Tu y mets quoi dedans, de l'or ? » Les bras croisés et les sourcils froncés, la petite blonde tentait de montrer son mécontentement. Comment pouvait-il traiter ce beau cupcake de vulgaire "petit bout de pain" ?! Elle était si fière des détails ajoutés, du glaçage bleu turquoise parfaitement bien posé, des petits bonbons assortis qui décoraient le dessus… « Si vous saviez le temps que je passe en cuisine pour confectionner tout ça ! » s’exclama t-elle sans lâcher des yeux la pâtisserie que l’homme s’était à nouveau appropriée. Elle le regarda plonger une main dans sa poche pour en ressortir quelques pièces, mais surement pas assez pour faire deux dollars. Qu’allait-il encore raconter comme bêtises pour essayer de la convaincre ? « Y'a pas une réduction pour les travailleurs acharnés ? J’ai pas pensé que les bons petits plats de la demoiselle me coûteraient un bras. » Ruby leva les yeux au ciel, incapable de l’imaginer se tuer au travail, vu comment il venait de traiter ses petites merveilles qui lui avaient demandé plusieurs heures d’efforts ! Il ne devait surement pas bosser beaucoup, et le peu de pièces qu’il possédait dans sa poche le prouvait bien ! La petite blonde était curieuse de savoir ce qu’il faisait pour gagner sa vie. Le marché allait bientôt être désert et elle allait être obligée de rentrer avec le reste de ses pâtisseries. Elle soupira mais accepta, elle lui prit l’argent des mains et en échange lui donna une serviette en papier pour son cupcake. Elle regrettait de s’être laissé avoir, les réductions étaient réservées aux meilleurs clients. Mais tout le monde le savait, la petite blonde était en réalité bien gentille et généreuse.
Ruby sortit son petit porte-monnaie coloré dans lequel elle rangea les quelques pièces qu’on venait de lui donner. Elle commençait à en être presque certaine, l’homme allait être son dernier client de la journée. Vivre dans un village de quatre-vingt-cinq habitants avait de nombreux inconvénients. Tous ne venaient pas au marché et les autres ne restaient pas des heures, le tour était vite fait. « Je sais que vous allez l’adorer, et vous allez surement regretter de ne pas pouvoir en acheter d’autres. » lança t-elle à l’homme au cupcake bleu qui ne semblait pas vouloir partir. « Alors n’hésitez pas à revenir la semaine prochaine. » La petite blonde devait bien promouvoir son stand si elle voulait continuer à gagner assez de sous pour vivre, et un client de plus ne lui ferait aucun mal – même s’il s’agissait de ce monsieur ! Elle ouvrit son carnet dans lequel est notait toutes ses ventes sur les pages de droite. Elle gardait celles de gauches pour dessiner, ou plutôt gribouiller. Son regard resta posé plusieurs secondes sur son dernier croquis, qui représentait le paysage qu’elle voyait depuis la fenêtre de sa chambre. Elle était bien consciente que le dessin n’était pas parfait, mais elle comptait s’améliorer. Car à Ojai, il fallait toujours trouver une occupation pour ne pas risquer de s’ennuyer. Et même si avant son arrivée au village elle ne s’était jamais intéressée au dessin, cela faisait désormais partie de ses loisirs. Remarquant le regard curieux de l’homme, Ruby s’empressa de fermer son carnet. Elle ne montrait jamais ses dessins, ils n’étaient pas assez bien pour le moment. Gênée, elle remonta sa mèche de cheveux derrière son oreille et commença à ranger le stand.
Ephraïm S. Hopkins
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Sujet: Re: oh girl, don't be so sweet △ RUBY Mer 23 Jan - 18:36
Ruby&Ephraïm
La jeune fille était une négociante affirmée. Elle vendait deux dollars une pâtisserie dont les ingrédients avaient du lui coûter quelques centimes à tout casser. Ephraïm devait au moins lui reconnaître un répondant bien ficelé pour son âge mineur. Il la connaissait vaguement de vue puisqu'il l'avait déjà aperçue chez Lemon, une des bibliothécaires d'Ojai. Elle faisait partie des nouveaux arrivés qu'on voyait encore que rarement. Quoiqu'on dise, on mettait beaucoup de temps à s'habituer à l'atmosphère spéciale du village. La plupart du temps, on n'apercevait de têtes inconnues qu'au bout de quelques jours, voire de plusieurs semaines alors que les décès causés par leur venue eux ne s'étaient pas fait attendre. En tout cas, il n'avait jamais fait le lien entre la petite colocataire discrète et la pâtissière reconnue qui officiait depuis un petit moment auprès du marché public. Elle s'indignait du temps qu'elle avait passé à les cuisiner de ses propres mains d'enfants et il ne pouvait que hausser un sourcil dubitatif devant sa tentative de justification. Lui-même était capable de faire un énorme gâteau en l'espace d'une demi-heure seulement. Certes, il était tout bonnement immangeable et tout juste présentable mais il était persuadé qu'avec un peu de motivation, il arriverait à sa cheville. Ses pensées trahissaient la mauvaise foi du trentenaire. Il avait toujours été plus doué à dévorer tout ce qui sortait du four de sa mère plutôt qu'à essayer de comprendre l'origine de ses merveilles gustatives. Aujourd'hui, il allait devoir se contenter des mets aux prix exorbitants de la demoiselle. Et ce fut donc avec une appréhension certaine qu'il finit par déposer la monnaie au creux de la main de Ruby qui avait finalement accepté sa modeste offre. Son regard vert ne quittait pas le sien tandis qu'il approchait le cupcake de sa bouche pour le goûter la première fois. Sait-on jamais, tant de générosité pouvait mieux dissimuler l'affreux goût du gâteau ou bien du poison qu'elle avait subrepticement glissé à l'intérieur pour se venger de cet aimable voleur.
Il suffit d'une bouchée et d'un coup d’œil en direction de Ruby pour que le temps ne s'arrête. A vrai dire, celui-ci remontait en arrière, reprenait sa course effrénée lors d'une autre époque. Une époque où sa barbe était tout juste naissante et où l'aigreur n'avait pas grignoté son palpitant. Il était assis sur son tabouret préféré dont les quatre pieds étaient usés par de nombreux équilibres. Appuyé sur le bar américain en bois vernis, ses yeux verts, plus doux, moins sauvages, épiaient chaque fait et geste de l'adolescente à ses côtés. Ses cheveux blonds étaient tressés puis ramenés sur une de ses épaules. Ses yeux noisette rieurs respiraient la bonne humeur et la malice tandis que ses lèvres fines et innocentes avaient englouti un petit gâteau qu'il lui avait tendu encore tiède. « C'est super bon Ephraïm, dis-moi que c'est toi qui les a fait et je serai ta femme. » Pouffant d'un rire cristallin, sa main libre vint se glisser dans les cheveux en broussaille d'Eph' qui avait alors une quinzaine d'années. « Non, c'est ma mère. Elle sait comment m'apaiser. » Puis après un rapide baiser sur la joue de sa petite amie de l'époque, il avait mordu à pleines dents dans son cupcake. A peine cette scène s'était joué devant ses yeux que l'homme revint à la raison. C'était absolument divin. Il n'avait même pas remarqué que le stand s'était vidé peu à peu, annonçant la fin proche du marché. Ruby s'était affairée à ranger les invendus. Il avait à peine tendu l'oreille quand elle lui avait proposé de revenir la semaine prochaine tellement sa concentration s'était envolée devant tant de souvenirs. Quel était son tour de magie ? Comment faisait-elle pour lui remémorer des souvenirs si heureux, lui le grincheux d'Ojai ? Mâchouillant le reste de son cupcake, les traits de son visage presque détendus, il jeta un coup d’œil distrait sur la page sur laquelle écrivait la vendeuse. A côté des calculs inintéressants étaient quelques gribouillages plutôt prometteurs de son œil avisé d'ancien futur architecte. Alors que Ruby le surprit et ferma brusquement son carnet pour le protéger de sa curiosité inquisitrice, Ephraïm finit par dire, la bouche pleine : « Un coup de crayon comme ça, mademoiselle, ça ne se cache pas. » Elle était la seule, l'unique, qui le poussa à ajouter ses quelques mots miraculeux : « Figure-toi que je crayonne moi aussi. Permettrais-tu à un humble dépanneur d'observer ces esquisses ? » Remarquant la méfiance de la blonde, il soupira: « Je ne compte pas les voler miss, juste quelques minutes... »