1 △ QUI ETIEZ-VOUS AVANT D'ARRIVER A OJAI?
Les gens changent. Vous voyez cette jeune femme aux cheveux blonds ? Celle qui déboule, le sourire aux lèvres, au travers de la foule, petite tête d'ange et son allure sûre d'elle ? C'est cette même demoiselle qui, petite, avait la place du fond de la salle de classe, qui se laissait gentiment habillée et coiffée par sa maman bien aimée, qui jouait seule à la récréation et qui portait son cartable sur ses deux épaules. Je tiens une théorie selon laquelle les gens tenteraient, en grandissant, de devenir ce qu'ils n'étaient pas à la période de l'enfance. Parce-que cette fille-là, était du genre petite ronde avec des lunettes et deux petites couettes en hauteur et pas très populaire, jadis. Cette fillette, et accessoirement cette jeune femme, je dois vous le dire enfin, c'est de moi qu'il s'agit.
Un jour nous sommes la gamine sans histoires. Le lendemain on devient celle avec qui il paraît cool de traîner. Tout le monde me connaît, mais personne ne me connaît réellement. C'est compliqué, je suis difficile à cerner. En fait, non, je ne suis pas difficile à cerner, c'est plus simple que ça, je refuse oui que l'on puisse me comprendre.
Je sais que d'ordinaire, sans avoir l'air de me la faire prétentieuse, l'on pourrait penser que vu ma façon d'être mes parents sont des personnes importantes, du genre à traîner en tailleur et costard le dimanche, mais non, loin de là. Mes parents sont des artistes ratés reconvertis dans l'enseignement, le genre de prof qui ont une belle maison et une voiture à en faire râler plus d'un. Pourtant je n’étais pas l’genre à jouer au jeu de la capricieuse bien au contraire, j’détestais même ce genre de pimbêche et pourtant les paternels avaient quand même les moyens. A l’école c’est bien simple, j’étais la petite fille ronde, le genre de petite fille dont on se moque, la petite timide qui restait dans son coin, je suis devenue le bouc émissaire de l'école. Ça laisse de merveilleux souvenir, je vous le promets. Neuf ans et le ventre de ma mère qui enfle à vue d’œil, deux petits bonhommes qui logeaient sous son nombril. J’étais tellement heureuse, enfin finie la solitude, j’avais beau avoir mes parents, ils ne jouaient pas avec moi et le fait de savoir que d’autres enfants allaient arriver dans la maison me rendait plus qu'heureuse. Alors à la place de sortir aux parcs avec d'autres enfants, j'ai lu des livres, je me suis occupée de mes petits frères, je me sentais importante à leurs côtés et ça me faisait un bien fou de l'avoir, j'avais la sensation que je pourrais les guider
Bien sûr nous aurions quelques années de différence mais cela ne me dérangeait pas plus que ça, bien au contraire, quand nous aurions grandi je m’occuperais d’eux, enfin ça serait cool.
Je ne peux pas me plaindre de la vie que j'ai eu, je suis née dans une famille assez aisée et pourtant très libre d'esprit. . Si je résume un peu, ne m'en voulez pas, j'ai plus de souvenirs agréables de ma soirée d'hier que de mon époque Barbie. J'ai sans doute hérité du caractère de ma mère, une vraie aventurière comme elle. En effet j'ai quitté Amsterdam dès que j'ai pu, à ma majorité, je voulais partir voir de nouveaux horizons. Quelques jours après mon dix-huitième anniversaire je me suis inscrite sur un site de jeune fille au pair, j'ai trouvé une famille Madrilène qui en cherchait une, nous nous sommes contactés plusieurs fois, au bout de quelques semaines ils m'ont appelés en me disant qu'ils acceptaient ma candidature, je suis partie alors en Espagne pendant sept mois. Quelques mois plus tard adieu le flamenco, bonjour la samba, j'voulais partir ailleurs, découvrir de nouveaux horizons, a peine arrivée au domicile familial je pris un billet en direction d'un petit archipel brésilien, j'y passais des instants de purs bonheurs, les plages de sables blancs, l'eau bleue turquoise et j'en passe... Des putains de souvenir, des putains d’images qui pourraient orner les murs de mon appart.


2 △ COMMENT ÊTES-VOUS ARRIVÉ A OJAI?
L’histoire c’est que quand j’suis rentrée à Amsterdam, j’avais encore soif de voyage, j’avais envie de bouger, je n’arrivais pas à me faire à l’idée de rester là, j’avais connu les grands espaces, j’avais connu l’Amérique, j’voulais y faire ma vie. Je ne rêvais pas de grande ville, je rêvais de la Californie, ô douce Californie. J’me suis installée là, dans cet endroit assez isolé, ne sachant pas ce qu’il m’attendait, ne sachant pas non plus cette histoire de 85 habitants. Je me souviens du jour où je suis arrivée, j’ai posé mes valises, insouciante, ne me doutant de rien. J'suis montée dans la voiture de quelqu'un qui allait a Ojai, une fois arrivée je me suis tournée vers ce paysage qui me changeait de tout ce que j’avais pu voir auparavant.

3 △ COMMENT RESUMERIEZ-VOUS VOTRE VIE MAINTENANT ?
Si j’devrais résumer ma vie ici ? Ben ce n’est pas bien compliqué, j’suis arrivée ici ne sachant pas ce qu’il allait m’arriver, un petit village étrange, le nombre d'habitants ne dépassait pas les 85, j'ai jamais compris pourquoi d'ailleurs. Je n’ai pas voulu partir, j’ai voulu rester, j’ai toujours voulu tenter le diable, j’aimais ce village et j’avais envie d’y rester quelques instants. J’sais bien que je ne resterais pas éternellement ici, soit je crève soit je pars, le choix est vite fait. En attendant que cela arrive je compte faire ma vie, tranquillement sans vraiment me prendre la tête, je vais profiter, comme je l’ai toujours fait. Un jour je partirais, mais pour l’instant je suis dans ma petite épicerie, je m’occupe d’offrir un peu de bonheur aux clients, j’essaye de communiquer ma joie de vivre légendaire aux plus aigris.

hors jeu

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