Les jours se ressemblaient, il y avait les jours de pluie et les jours de soleil, il y avait les jours où les patients se bousculaient à la clinique pour se faire diagnostiquer une maladie qui les rapprocherait un peu plus de la mort et les jours où la salle d'attente était déserte, comme si tout allait bien, comme si chacun s'était fait à la fatalité d'Ojai. ' C'est un psy que vous devriez consulter, pas un médecin ' lui arrivait-il de dire à certains de ses patients qui montraient plus de troubles psychologiques que physiques, ce à quoi ils répondaient ' il n'y a pas de psychologue ici, mais vous êtes médecin vous, vous pouvez m'aider ? ' la première fois qu'on le lui avait dit il avait refusé, il considérait la psychologie comme une science à part, et puis il n'était pas assez en accord avec lui même pour pouvoir aider les autres... Cependant avec le temps il n'avait pas vraiment eu le choix que d'aider ces gens qui avaient besoin de lui. Penser aux problèmes des autres lui permettait de s'oublier presque totalement. ' La mort médicalement assistée ? Oui, bien sûr. ' Il comprenait que l'on voulait en finir lorsqu'on arrivait à Ojai, surtout lorsqu'on était âgé d'un certain âge, qu'on avait plus rien à offrir à personne, qu'on ne servait plus à rien. Ce n'était pas comme une société normale où l'on pouvait s'occuper des plus vieux, les garder en vie, leur permettre de profiter encore un peu... Ici les choses n'étaient pas pareille et si auparavant pour une question d'éthique il y avait beaucoup de chose qu'il n'aurait sans doute pas pratiqué, aujourd'hui l'éthique lui passait complètement au dessus. Dorian Landry était en quelque sorte le pont entre Ojai et la liberté. Il était lié par le secret professionnel et le fait qu'il n'exista aucune autorité digne de ce nom à Ojai l'encourageait à aller dans le sens "du peuple". Vous pouviez vous faire avorter secrètement pour ne pas être la risée de la communauté ou demander une mort médicalement assistée. Tout cela était possible. Il suffisait de demander.
Il était encore tôt dans la journée lorsqu'il accueillit Mackenzie Clayton dans sa salle de consultation. ' Installe toi...' lui dit-il alors qu'il rejoignait son siège de l'autre côté du bureau. Il ne portait pas de blouse aujourd'hui, seulement une chemise blanche avec un badge portant son nom dessus. Le vêtement était légèrement froissé et une tâche de café s'était logée sur sa manche gauche. Elle était encore toute fraîche de ce matin. Il passa une main dans ses cheveux avant de se lancer dans la recherche du dossier de la jeune femme. Il n'avait pas réellement besoin d'y jeter un coup d'oeil, les patients étaient toujours les mêmes, il les connaissait tous et savait tous de quoi ils souffraient. Mais c'était une question de protocole. ' Est-ce que tu m'as entendu l'autre fois quand je t'ai dit que pour que ta cheville aille mieux il fallait que t'évites de porter des talons pendant quelques jours ? ' lui demanda-t-il sur un ton presque amusé ' C'est bien des talons que tu portes là ? ' il se leva pour contourner le bureau et venir près d'elle, ' Tu peux les enlever? Je vais regarder si ça s'est arrangé. ' il leva les yeux vers elle quelques secondes avant de les baisser sur ses jambes nues. Elle était simplement vêtue d'une robe et de talons. Originale pour une visite chez le médecin. ' J'espère pour toi que le type avec qui tu as rendez-vous après ne se moquera pas de toi si tu boites. '